11 décembre 2013

Pompiers : leur guerre du feu

Jeudi soir, les pompiers de la caserne Vion ont dû éteindre un feu touchant trois voitures, à Bagatelle./Archives DDM

Gestions des effectifs, réductions moyens, meilleure organisation… Des questions du quotidien pour les pompiers de la région, qui seront au menu des «7e journée des Sdis», aujourd’hui à Paris, rassemblant l’ensemble des présidents et directeurs des services départementaux d’incendie et de secours. Il y a quelques jours déjà, la commission des finances du Sénat avait appelé à une plus grande mutualisation de leurs moyens. Tirant les conclusions d’une enquête demandée à la Cour des comptes, le sénateur UMP du Var François Trucy, a identifié des «gisements d’économies significatives» : une plus grande mutualisation des achats, accélérer le regroupement des centres de traitement de l’alerte entre les Sdis et avec le Samu, mieux rationaliser les équipements de formation, et enfin agir sur les équipes et moyens spécialisés (la Cour estime par exemple qu’une réduction de 15 % des cellules mobiles d’intervention chimique conduirait à une économie de 8 millions d’euros). Ce métier qui est le rêve de beaucoup d’enfants, est une réalité pour près de 2000 professionnels dans le Grand Sud. Un métier risqué, fatigant, au service de la cité, et pourtant pas à l’abri de la réduction de la dépense publique.
Caserne Vion, rive gauche de Toulouse, près de Saint-Cyprien. La plus grosse de Midi-Pyrénées en nombre d’interventions. L’une des grosses casernes françaises.
150 sapeurs-pompiers professionnels, qui assurent des gardes de 24 heures tous les trois jours, et réalisent près de 11 000 sorties par an.
Jeudi dernier, 20 h 30, les hommes finissent leur repas. Ils sont 35 à travailler en cette nuit glaciale. Après avoir fait leur vaisselle, certains partent à la salle commune, voir le match du TFC, d’autres montent discuter au bocal, une pièce largement vitrée qui donne sur les allées Charles de Fitte et où arrivent les appels d’urgence. Ceux qui sont logés sur place sont déjà dans leurs appartements, leur bip à la poche. Tous doivent être prêts à décaler (partir en intervention) au plus vite.

La fascination du feu

Hormis des catastrophes de ce type, le Graal pour un pompier, c’est le feu. «On est avant tout des soldats du feu, on aime faire un bon feu». Celui qui a prononcé ces mots marque un temps d’arrêt, et se reprend. «Bon, ça pourrait être mal interprété comme termes, surtout pour celui qui a tout perdu dans un incendie, mais c’est vrai que le feu nous fascine, même si ça peut nous prendre la vie».
Le débat reprend, sur les techniques d’approche du feu, sur les Allemands qui ne font pas comme nous, ou sur ces progrès d’architecture qui rendent les feux d’appartements plus dangereux, «car tout est cloisonné, et fait risquer l’embrasement généralisé à l’ouverture de la porte».
Les pompiers peuvent parler des heures de leur métier. Leur passion. Et ils vivent d’autant plus mal leur rapport avec la société qui a changé. «Aujourd’hui les gens se poussent à peine pour nous laisser passer sur la route. Il y a 20 ans, les gens qui nous insultaient restaient à 200 m. Désormais ils nous font face, prêts à nous taper».

Hommes à tout faire

Les soldats du feu ont aussi l’impression d’être parfois bons à tout faire. «Comme on est très polyvalents, les gens nous appellent lorsqu’ils n’ont plus de solution. Presque pour une ampoule à changer…». Laurent confirme, sous forme d’ironie : «Avant, nos ambulances c’étaient des véhicules de secours aux asphyxiés et blessés (VSAB). Maintenant ce sont des VSAV, d’Assistance aux Victimes, parce qu’on peut être victime de tout et de rien, d’une crise d’angoisse ou de la mode».

Réveillé dans la nuit

Il est 2 heures du matin, le standard est toujours aussi apathique. Tout le monde part se coucher. Un lit étroit dans une chambre de garde. Se déshabiller ou pas ? La réponse sera négative, trop peur de rater un hypothétique départ.
Celui-ci viendra à 3 h 20. Un bip sonne dans la nuit. Le lieutenant Rieu tape à la porte. «C’est un feu de voiture, le fourgon part, on le suit».
Direction Bagatelle, les rues sont désertes, le gyrophare bleu se reflète sur les vitrines de quelques magasins. On commence à apercevoir un brasier. «Il y a plusieurs voitures, deux ou trois» estime Patrick Rieu. Trois effectivement, flambant au pied d’une barre d’immeuble. Encadrés par deux voitures de police, les pompiers déroulent leurs tuyaux et commencent à arroser abondamment. «On ne va pas rester trop près, vu la configuration de la rue, on pourrait se faire coincer si ça tournait mal». Le calme est pourtant total. Presque désolé, le lieutenant conclut : «C’est terrible, mais on est obligé de réfléchir comme si on était en guerre…»
Retour à la caserne. Il faut refaire le plein - en eau - du camion, et passer par la case paperasse. Le chef d’agrès, les cheveux encore aplatis par le casque et l’odeur du brûlé accroché à la veste, tape son rapport sur l’ordinateur. Il est 4 h 15. «Je vais essayer de me rendormir, mais c’est pas gagné». Son réveil sonnera à 6 h 30. À 7 heures, une autre équipe prend la relève. Pour une nouvelle journée. De 24 heures.

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